Choses élégantes
Le V de la passée du soir sur fond de soleil couchant automnal, les sombres silhouettes chinoises des arbres en hiver, les cerisiers du Japon en fleurs autour du Tidal Basin comme autant de Belles du Sud en crinoline et capeline fraiches et roses et pâles. Floraison de l’orchidée, une pivoine solitaire et épanouie dans un vase clair, un bouquet de tulipes s’abandonnant avec langueur. La longueur d’une nuque dégagée de chevelure. La démarche altière des Africaines.
Le V de la passée du soir sur fond de soleil couchant automnal, les sombres silhouettes chinoises des arbres en hiver, les cerisiers du Japon en fleurs autour du Tidal Basin comme autant de Belles du Sud en crinoline et capeline fraiches et roses et pâles. Floraison de l’orchidée, une pivoine solitaire et épanouie dans un vase clair, un bouquet de tulipes s’abandonnant avec langueur. La longueur d’une nuque dégagée de chevelure. La démarche altière des Africaines.
Choses qui ont un aspect sale
Les taches jaunes du temps et la rouille des jours au creux des plis des vieux draps de lin et des vieilles nappes. Le divan dépassé par les années. Les feuilles mortes agglutinées le long du trottoir quand il pleut. Les grains de sable mouillés sur les jambes pâles. Les vitres grasses de fumée dans les bar-tabacs. Les étagères poussiéreuses d’une bibliothèque à l’abandon. La devanture de la boucherie-charcuterie : faisans et venaison suspendus. Les stations de métro de Paris. La neige en ville.
Choses désolantes
L’âpreté au gain. La guerre. L’intolérance. La grimace de haine qui déchire un visage. La méchanceté. La violence. La nature souillée, défigurée par les abus de l’homme : ordures le long des routes, dans les parcs ; îlots en sacs de plastique dans le Pacifique. Les ours polaires sans abri, les chasses au loup en hélicoptère, le pillage des océans et le viol des forêts tropicales. Les insultes devenues expression poétique contemporaine. La mort des idéaux. L’amour de l’argent.
Choses consolantes
Le sourire de ma fille. Le sourire de mon fils. La confiance douce du chat sur la couverture. Le soleil qui finit toujours par revenir. Les Béatitudes. La brise odoriférante d’un jour de printemps. Le bruit des vagues. Un oreiller propre sur un lit propre et tout juste fait, une senteur de lavande quand on s’y étend. L’odeur du pain chaud. L’amitié loyale. La prière de Saint François d’Assise. L’étreinte de l’ami(e). Le silencieux spectacle du lever du soleil sur le Grand Canyon. Le silence lui-même.
Choses qui me font battre le cœur
Le premier coup de tonnerre. La porte qui s’ouvre et qui se ferme : battements de peur, battements d’espoir. Le courrier quotidien, les messages sur le répondeur téléphonique. Les coups de fil en pleine nuit. Ne pas savoir où se trouvent mes enfants, ne pas savoir les consoler quand ils en ont besoin. Parler en public, poser une question dans une pièce pleine d’inconnus. Contempler le vide et se dire que ce serait si vite fait de basculer. Revoir celui que j’ai aimé naguère.
Choses qui ne font que passer
L’avion dans le ciel laissant une trainée de vapeur dans son sillage. Printemps, été, automne, hiver. L’enfance. L’amour. Nous.
1 comment:
Ce n'est pas de la prose, c'est de la poésie!
Je ne connaissais pas Sei Shonagon, mais en tant que faiseuse de listes invétérée, je suis ravie de cette rencontre. Tes catégories sont une invitation à en faire autant. Une très beau texte, Sarah. Merci.
A translation? Only if done with extreme care for this text is bursting at the seams with... dare I say, Frenchness!
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