Friday, April 17, 2009

Parabole des Temps Modernes: Le Bon Samaritain au 21eme siecle

Ceci n’est pas une plaisanterie, mais un texte très sérieux, écrit en anglais par une de mes “collègues bloggeur”. Nous sommes toutes une communauté d’auteurs sur www.opensalon.com . Verbal Remedy a accepté que je traduise son texte en français.
Cette réécriture d’un des plus beaux textes des Evangiles montre combien le texte peut tout à fait être contemporain: il suffit d’avoir l’esprit -et le Coeur- grand ouvert…
Son texte en anglais est ici: http://open.salon.com/blog/verbal_remedy/2009/04/17/lost_in_translation

Un homme se rendait de New York en Floride, lorsqu’il tomba entre les mains de pirates automobiles. Ils le dépouillèrent de ses vêtements, le rouèrent de coups et s’enfuirent, le laissant à moitié mort et nu.

Un télé-évangéliste passait sur la même route, et quand il vit l’homme blessé, il le doubla, le laissant sur le bord de la route, et continua son chemin.

Un manifestant, en route vers une manifestation anti-taxation (anti-Obama), arriva à passer au même endroit et lui aussi, quand il vit l’homme blessé, le doubla, le laissant sur la route et continua son chemin.

Un homosexual liberal, écolo et coco sur les bords, arriva à l’endroit où l’homme blessé se trouvait; et quand il le vit, il eut pitié et s’arrêta.
Il alla à lui, pansa ses plaies, lui versant de l’huile et du vin. (Beaucoup de vin. Du vin fabuleux).
Ensuite, il mit l’homme dans sa Volvo, le conduisit à l’hôpital le plus proche et l’y fit admettre.
Le jour suivant, il sortit sa carte Visa et en donna le numéro au directeur de l’hôpital.
“Prenez soin de lui”, dit-il. “Et quand je reviendrai, je vous rembourserai pour toutes vos dépenses supplémentaires”.

“Lequel de ces trois hommes fut un bon voisin pour l’homme qui tomba entre les mains des pirates automobiles?”, demanda Jésus.
Le juriste répondit: “Celui qui eut pitié de lui”.
Jésus lui dit: “Va et fais de même”.

Monday, April 6, 2009

Inventaire à la manière de et en hommage à Sei Shonagon

Dame Sei Shonagon est une femme de lettres japonaise qui a écrit vers l'an 1000 ce qui est considéré comme une des oeuvres majeures de la littérature japonaise. Notes de chevet, texte inclassable annonçant ce qui est connu en littérature moderne comme le "fragment". Notes de chevet est une collection de listes, de poésies, de complaintes et d'observations glanées tout au long de son séjour à la cour durant l'époque de Heian. Je tente ici de lui rendre un modeste hommage.



Choses élégantes

Le V de la passée du soir sur fond de soleil couchant automnal, les sombres silhouettes chinoises des arbres en hiver, les cerisiers du Japon en fleurs autour du Tidal Basin comme autant de Belles du Sud en crinoline et capeline fraiches et roses et pâles. Floraison de l’orchidée, une pivoine solitaire et épanouie dans un vase clair, un bouquet de tulipes s’abandonnant avec langueur. La longueur d’une nuque dégagée de chevelure. La démarche altière des Africaines.


Choses qui ont un aspect sale

Les taches jaunes du temps et la rouille des jours au creux des plis des vieux draps de lin et des vieilles nappes. Le divan dépassé par les années. Les feuilles mortes agglutinées le long du trottoir quand il pleut. Les grains de sable mouillés sur les jambes pâles. Les vitres grasses de fumée dans les bar-tabacs. Les étagères poussiéreuses d’une bibliothèque à l’abandon. La devanture de la boucherie-charcuterie : faisans et venaison suspendus. Les stations de métro de Paris. La neige en ville.


Choses désolantes

L’âpreté au gain. La guerre. L’intolérance. La grimace de haine qui déchire un visage. La méchanceté. La violence. La nature souillée, défigurée par les abus de l’homme : ordures le long des routes, dans les parcs ; îlots en sacs de plastique dans le Pacifique. Les ours polaires sans abri, les chasses au loup en hélicoptère, le pillage des océans et le viol des forêts tropicales. Les insultes devenues expression poétique contemporaine. La mort des idéaux. L’amour de l’argent.


Choses consolantes

Le sourire de ma fille. Le sourire de mon fils. La confiance douce du chat sur la couverture. Le soleil qui finit toujours par revenir. Les Béatitudes. La brise odoriférante d’un jour de printemps. Le bruit des vagues. Un oreiller propre sur un lit propre et tout juste fait, une senteur de lavande quand on s’y étend. L’odeur du pain chaud. L’amitié loyale. La prière de Saint François d’Assise. L’étreinte de l’ami(e). Le silencieux spectacle du lever du soleil sur le Grand Canyon. Le silence lui-même.


Choses qui me font battre le cœur

Le premier coup de tonnerre. La porte qui s’ouvre et qui se ferme : battements de peur, battements d’espoir. Le courrier quotidien, les messages sur le répondeur téléphonique. Les coups de fil en pleine nuit. Ne pas savoir où se trouvent mes enfants, ne pas savoir les consoler quand ils en ont besoin. Parler en public, poser une question dans une pièce pleine d’inconnus. Contempler le vide et se dire que ce serait si vite fait de basculer. Revoir celui que j’ai aimé naguère.


Choses qui ne font que passer

L’avion dans le ciel laissant une trainée de vapeur dans son sillage. Printemps, été, automne, hiver. L’enfance. L’amour. Nous.