Wednesday, November 24, 2010

Une generation au cerveau branche differemment: resultat de l'ere numerique?

http://www.nytimes.com/2010/11/21/technology/21brain.html?hpw

Comme toujours, un article excellent du New York Times sur la manière dont le cerveau des nouvelles générations est « branché » différemment (ou le sera tôt ou tard) en raison de leur appartenance à l’ère du « numérique ». Ce qui m’amuse beaucoup, c’est que chaque fois qu’il y a eu, dans l’Histoire, un progrès technologique ou scientifique quelconque, il a en même temps été dénoncé par les Cassandres et les Luddites comme mortifère au pire, ou amenant à la décadence sociale, culturelle, voire nationale, au mieux. Il en fut ainsi du walkman et de tout appareil permettant d’écouter de la musique sans déranger son voisin (surdité garantie), de la télévision (niveau intellectuel qui baisse, concentration en déroute), et même du premier téléphone…
Or, TOUT peut avoir un effet sur le cerveau de quelqu’un et la révolution numérique, avec tout ce qu’elle peut certes apporter en « satisfaction immédiate » (mentionnée dans l'article) n’en reste pas moins une révolution et un progrès, comme le fut l’apparition du métier à tisser mécanique (j’en reviens à mes Luddites).

Depuis que je suis toute petite, je lis, c’est-à-dire je dévore des livres, et je peux dire que le livre a eu sur moi le même effet que l'ordinateur a sur Vishal Singh (dans l’article du New York Times).
Comme Vishal, je délaissais les matières dans lesquelles je n’excellais pas (math, physique) et qui me demandaient donc un effort. Il y avait toujours quelque chose de plus intéressant à faire, en l'occurrence, LIRE. Dès que j'avais un moment, je lisais: en cours de récréation, à la cantine, en descendant les escaliers de l'école pour aller en récréation (d'où cheville cassée de multiples fois), dans ma chambre, un livre sur les genoux, celui de math sur le bureau, faisant ainsi croire à ma mère que je faisais mes exercices d’algèbre, et la nuit, sous les draps avec une lampe électrique, et même dans la salle de bains, pour m'isoler de la famille quand cela braillait (voir autre exemple dans l'article) ou que je n'avais pas envie que l'on me parle. Distraite par les livres, oui, mais j’ai aussi parallèlement développé le contraire de ADD ou ADHD (déficit d’attention), c’est-à-dire, l’hyper-concentration: quand je lis, il peut y avoir le feu, un tremblement de terre, les enfants peuvent se disputer, je ne m'en rends pas compte, je n’entends rien, je suis dans un monde à part, le mien, celui de la lecture. Cela se traduit aussi par le fait que je peux me concentrer sur ce que je fais (et pas seulement quand je lis) à tel point que je peux, à volonté, filtrer jusqu’à ne plus les entendre les bruits autrement gênants: pubs à la radio quand je conduis et mon esprit redémarre et se reconcentre sur les actualités dès la fin de la publicité, les explications aéronautiques détaillées et fortement ennuyeuses de mon mari, les élucubrations hip hop de mon fils, et tutti quanti. Il n’y a que le bruit des travaux dans la rue que je ne peux ainsi éliminer alors que je suis intensément concentrée sur autre chose. De la même façon, Vishal peut se concentrer pendant des heures sur 5 minutes de film à monter : Vishal et ses confrères de la génération numérique ne souffrent pas tellement de ADD/ADHD que de manque d’intérêt pour une ou plusieurs matières. La faute en est peut-être au professeur qui ne sait pas rendre son cours intéressant.


Ce qui est aussi intéressant dans l'article, c'est le fait que ce soit des enfants de "classe ouvrière" qui soient le plus à risque de déconcentration et autres maux dénoncés par le professeur de Latin (entre autres !). Or, toujours dans le même article, il est fait mention d’ un proviseur qui essaie d'utiliser les technologies nouvelles pour motiver et intéresser les élèves en question et d’un professeur qui enseigne un cours audio avec le programme Pro-Tool. Je connais bien ce programme, car nous l'avons et que mon fils suit un cursus, après sa « high school » (lycée), de technicien du son. Il lui reste deux examens sur les 4 du premier niveau Pro-Tool à passer pour avoir la certification professionnelle. C’est là, à mon avis, la clef de l'article: ces gamins, de classe ouvrière, se passionnent et se concentrent sur un programme audio de chez Apple qui est le plus performant du monde et le plus difficile à apprendre et à maîtriser. Tous les plus grands studios d’enregistrement du monde (musique, mais aussi de plus en plus son et film ensemble, car c’est le seul programme à permettre cela de manière efficace et rapide) possèdent des consoles numériques dépendantes de Pro-Tool. La certification professionnelle pour le premier niveau seulement demande plusieurs années de maitrise du programme et pour le 2ème niveau, ils ne sont que 100 à être certifiés professionnellement dans le monde entier!


Ce qui démontre bien que l'important est de motiver les enfants en leur apportant ce dont ils ont besoin, en fonction de leur capacité à apprendre, et non en fonction du moule (du LATIN ! De qui se moque-t-on au XXIeme siècle ?) Moi aussi j'ai fait du latin, mais ce qui peut aider pour des études de droit, de médecine ou de linguistique, n'aidera pas ces jeunes de l'âge numérique. Il faut leur donner les moyens de vivre indépendamment et ce n'est pas parce qu'ils n'iront pas dans des universités prestigieuses (ou grandes écoles) ou même a l'université locale, qu'ils ne réussiront pas. Leur maitrise de la chose numérique leur sera toujours un avantage, et si leur capacité d'adaptation aux changements rapides dans le domaine technologique reste la même, ce sera justement grâce à  cet "éparpillement" de leur concentration, cette habileté à faire plusieurs choses à la fois. Ni Bill Gates, ni Steve Jobs n'ont achevé leurs études universitaires... Ce sont maintenant deux des hommes les plus riches du monde, et parmi les plus créatifs. Quant à Bill Gates, malgré tous les défauts de Windows et Microsoft (surtout la sensibilité aux virus informatiques externes), c'est aussi un des hommes les plus généreux de la planète, qui a annoncé que 90% de sa fortune seraient redistribués en œuvres charitables après sa mort. Il a d’ores et déjà une fondation dédiée à l’éducation qui canalise des fonds impressionnants vers des écoles et districts scolaires dans le besoin.


Il faut garder espoir que ce jeune Vishal mentionné dans l’article devienne ce pour quoi il semble béni par les dieux: un as des nouvelles formes de filmographie. Il sera riche et donnera généreusement de l'argent à son lycée. Il y aura même une salle équipée du matériel technologique le plus nouveau, pour des cours de vidéo-audio production (ou tout moyen de ce genre que nous ne connaissons pas encore), qui portera son nom au-dessus de la porte en lettres capitales:

SALLE EQUIPEE GRACE A LA GENEROSITE DE L'ANCIEN ELEVE VISHAL SINGH!

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