Monday, August 24, 2009

Elfriede Jelinek, ou le mythe autrichien ébranlé


Briseuse de rêves ou artiste accomplie? Telle est la question que je me pose à la fin de l’été, après la lecture de plusieurs romans du Prix Nobel de Littérature 2004, l’Autrichienne Elfriede Jelinek.


Si tout comme moi, vous gardiez de l’Autriche une vision aseptisée, de bonbonnière aux douces couleurs pastel, sur fond de valse de Strauss, avec Romy Schneider et sa lourde masse de cheveux remontée en chignon quand elle interprètait Elizabeth “Sissi” von Wittelsbach, ou une vision plus sportive avec Franz Klammer slalomant à vitesse presque supersonique à Innsbruck, il se peut fort que ces dernières années aient déjà quelque peu eraflé cette naïve image d’Epinal. Entre les deux affaires de kidnapping et d’inceste, l’agence de tourisme sexuel de Nikki Lauder, ancien pilote de Formule 1, les virées politiques à la “plus à droite que moi, tu meurs!” du maintenant défunt Jorg Haider et de son parti populiste, l’image d’une Autriche aussi légère que la crème Chantilly des cafés servis à Vienne, aussi culturellement joyeuse et inspirée qu’une oeuvre de Gustav Klimt, cette image quitte votre esprit définitivement à la lecture des livres d’Elfriede Jelinek.



Célébrée pour la polyphonie de son écriture, sa dénonciation presque poétique des maux qui affligent l’Autriche d’après 1945 et l’Autriche contemporaine, l’oeuvre d’Elfriede Jelinek est avant tout sulfureuse. Certes un prodige d’écriture et de jeux de mots -au moins dans la traduction en anglais... car je n’ai pas osé m’attaquer à la version originale en allemand. Depuis Die Buddenbrooken de Thomas Mann, je n’ai plus rien lu dans la langue de Goethe-, certes des phrases vertigineuses de sens et de pirouettes littéraires sémantiques, mais aux dépens de la santé mentale du lecteur. Celle des personnages d’Elfriede Jelinek est totalement à la dérive: femmes battues et se laissant battre, victimes d’abus et d’humiliations sexuels entérinant des relations maritales sado-masochistes, comme c’est le cas pour la mère de Rainer et d’Anna dans Wonderful, Wonferful Times, ou pour Gerti dans Lust; ou encore touchant à la perversion inhérente au détournement de mineur dans The Piano Teacher.

Que ce soit d'ailleurs The Piano Teacher (dont il existe un film avec Isabelle Huppert, mais que je n’ai pas vu , -et que je ne pense pas voir, je ne suis pas à ce point masochiste-), Greed, Lust ou encore Wonderful, Wonderful Times, les quatre oeuvres que j’ai lues cet été, la violence insupportable d’une sexualité décadente, évocatrice des fins d’Empire (Romain, ou Troisième Reich revu par Visconti dans Les Damnés: http://www.in.com/videos/watchvideo-trailer-the-damned-1969-visconti-les-damnes-vo-2377373.html), s’accompagne aussi d’autres formes de violence, politique et économique, opposant Hans à sa propre mère, veuve d’un socialiste mort dans les camps de concentration, Herr Direktor à ses ouvriers, la pianiste à ses elèves; mais aussi violence faite à l’innocence de l’enfance. C’est à se demander, à travers ce déploiement intellectualisé de la violence, si ce n’est pas d’elle-même que l’auteure parle. Jelinek, tout comme Anna dans Wonderful, Wonderful Times, ou encore cette autre Anna dans The Piano Teacher, était destinée à une carrière musicale et tout comme ses deux jeunes anti-héroïnes, en proie à d’intenses dérangements psychologiques. Ces derniers ont même empêché l’auteure de se rendre à Stockholm pour recevoir son prix Nobel, tant il lui est impossible d’affronter la foule, de parler en public, comme Anna qui traverse des périodes de silence, perdant la parole, ce logos qui différencie l’Homme de l’Animal.





Est-ce la condition féminine, la soumission de la femme dans la société autrichienne présentée comme capitaliste, conventionnelle et catholique, à l’instar sous-entendu des “3 K: Kirche, Küche, Kinder”, que dénonce ainsi Jelinek? A trop se répéter d’un livre à l’autre, à trop rouler dans la boue l’ego et les maux du mâle (sans jeu de mots!), de l’Homo Austriansis devenu symbole de l’Homo Sapiens contemporain, même si cela est fait dans un registre de langue autrement plus riche, recherché et intellectuel que celui de Houellebecq (pour trouver un élément de comparaison à forte connotation sexuelle), l’auteure finit par ne plus convaincre. A crier au loup quand il n’y en avait pas, Pierre perdit toute crédibilité!

Sur les quatre romans lus, celui que je recommande quand même, c’est Wonderful, Wonferdul Times: effrayante vision de l’Autriche post-hitlérienne, qui se complait dans un rôle de victime du fait de l’Anschluss, n’ayant jamais le courage qu'eut l’Allemagne de confronter ses péchés, mais aussi effrayante descente aux enfers pour les quatre adolescents du roman: Rainer, Anna, Hans et Sophie, ou comment la violence engendre la violence qui engendre à son tour une certaine forme de terrorisme et de criminalité. Ce roman, situé dans les années 50 pourrait bien avoir comme cadre les années 70 ou cette première décennie du XXIème siècle. Ames sensibles, s’abstenir!

©Sarah Diligenti, septembre 2009 pour La Plume d'WAA

1 comment:

Anonymous said...

Très favorable journée à tous les lecteurs de ce site ,

En premier lieu , permettez-moi de vous démontrer mon appréciation pour toutes les très "à propos" informations que j'ai trouvées sur cet cool site web .

Je ne suis pas certaine d'être au meilleur section mais je n'en ai pas vu de meilleur.

Je viens de Bathurst, usa. J'ai 33 années et j'ai cinq super enfants qui sont tous âgés entre 9 et 15 ans (1 est adoptée ). J'aime beaucoup les animaux domestiques et j'essaie de leur présenter les accessoires pour animaux qui leur rendent l'existance plus confortable.

Merci à l'avance pour toutes les superbes débats qui viendront et je vous remercie de votre compréhension pour mon français moins que parfait: ma langue de naissance est l'arabe et j'essaie d'éviter les erreurs mais c'est très complexe !

Ciao

Arthru